Lettre d'un père à ses enfants

A vous mes enfants,
À chacun

Hirondelles de rivage
C'est la fin de l'été et déjà commence l'automne de ma vie.
Je voudrais dire cette aventure étonnante d'avoir été votre père.
En vous écrivant ce soir, je veux simplement inscrire dans un signe, encore un peu de mon amour. Je veux laisser dans une trace les offrandes et les demandes de vous en moi, de moi au profond de vous.
Le saviez-vous ?
Je vous ai portés pendant tant et tant d'années en moi.
Non pas à bout de bras, mais dans ma chair, au creux de mon ventre et dans les labyrinthes douloureux de mon coeur.
Vous étiez déposés dans mes pensées, dans mes peurs et dans mes soucis,
dans mes projets aussi, dans mes enthousiasmes et dans mes rires.
Le saviez-vous ?
Vous étiez présents dans les errances de mes amours bien sûr.
 
Je vous ai gardés ainsi longtemps, sans rien en dire, presque en cachette,
tout au chaud, tout au fond de moi, vivants, entiers, pleins de tous vos possibles.
Vous m'habitiez, vous étiez cette part de plus que moi qui m'agrandissait jusqu'à l'infini.
Avec des mots silences je vous ai souvent parlé, 
avec des milliers de dialogues muets,
Parfois de façon folle et parfois avec trop de sérieux
dans ma tête pleine de projets,
dans mon coeur rempli d'espérance,
avec mes mains-offrandes je berçais vos rêves.
Avec mes yeux, je vous faisais des propositions inouïes,
avec mes élans, je vous offrais le monde,
avec mes émerveillements, je vous inventais la vie.
 
Dialogues muets, si denses, riches de tous mes espoirs et de mes désirs les plus scintillants.
 
OUI
J'ai eu du mal à vous lâcher, à me laisser grandir sans vous, à accepter cette solitude jamais dite, d'être seulement votre père.
 
J'aurais tant voulu vous accompagner dans d'autres rôles, dans d'autres vies.
J'aurais souhaité partager plus le présent ou créer plus encore le quotidien imprévisible.
 
Aussi la déchirure de vous perdre s'étire encore en moi comme un appel sans fin.
 
Et cependant
 
il était temps de vous laisser sortir de moi, de vous laisser aller, de vous laisser partir ailleurs, sans vous perdre aux horizons de la vie, de vous laisser enfin entrer dans le ventre étonnant de l'existence....
 
De tout cela vous n'en avez jamais rien su.
Je suis resté un père trop silencieux, lointain par son travail, préoccupé des autres et en apparence de lui-même.
 
Aujourd'hui vous êtes si loin, si proches, bientôt semblables enfin à vous mêmes.
 
Avec toute ma tendresse apaisée, silencieuse et présente.

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