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S'aimer soi-même - l'estime de soi - 2 -

de la toute-puissance à l'estime de soi

l'enfant naît dans le monde de l'unité totale. Longtemps, il va résister de toutes ses forces à la perception de la réalité des autres car cela viendrait amoindrir son fantasme de toute-puissance. 
Les enfants naissent rois et se prennent pour le centre du monde. Il est même très important qu'il en soit ainsi. Pour quelques mois, l'individu doit se sentir le centre de la vie qui bat autour de lui, car l'amour ressenti dès les premiers moments de l'existence donne une base de sécurité à l'enfant, base sur laquelle peut s'établir le sentiment de sa valeur propre.

Peu à peu, pourtant, il doit accepter de ne pas être le centre de l'univers. 
Il se rend compte que ses parents ont des intérêts différents des siens et que les autres n'évoluent pas nécessairement en fonction de lui. 

La question à cent mille dollars devient la suivante: 
comment des parents peuvent-ils permettre à l'enfant de passer de sa toute-puissance imaginaire à une perception plus exacte de la réalité ?
Comment l'aider à développer une saine estime de lui-même et une confiance par rapport à son pouvoir personnel ? 

Car la valeur que l'on s'accorde est le résultat d'un compromis entre nos besoins de toute-puissance et les limites imposées par la réalité

Comment conserver la sensation de son pouvoir personnel, même si ce dernier est à jamais relatif ?

Théoriquement, nous le savons très bien:

d'une part, les parents peuvent apporter les limites nécessaires au sentiment d'omnipotence de l'enfant sans brimer son assurance au moyen de petites frustrations qu'il peut accepter sans se sentir totalement rejeté et démoralisé; 

d'autre part, il est bon qu'ils abandonnent peu à peu leur propre toute-puissance de parents pour faire de plus en plus confiance à l'enfant. Il est même souhaitable qu'ils puissent laisser voir graduellement leur propre humanité avec ses faiblesses.

Malheureusement dans la vie, ça se passe rarement comme nous l'aurions souhaité, si peu en fait que, si je devais évaluer ce qui constitue le principal motif de consultation psychologique, je répondrais qu'il s'agit à coup sûr du manque d'estime de soi. 
Il est effarant de constater à quel point nous pouvons manquer d'amour envers nous-mêmes. 
Les scénarios les plus communs qui se présentent ressemblent à ce qui suit. Ce sont eux qui conduisent à la formation de problèmes dits narcissiques.

Certaines personnes qui ont vécu des frustrations trop intenses ou même traumatisantes dès la prime enfance, en raison de circonstances adverses ou de parents qui ne savaient pas comment aimer, réagiront en tentant d'imposer leur loi à tout prix afin de prouver qu'elles valent quelque chose. Elles ne vivent pas dans le monde de l'amour, elles vivent dans le monde du pouvoir. Il est d'ailleurs étonnant de constater à quel point le besoin d'amour frustré se transforme presque invariablement en volonté de puissance. 
Sur le terrain du couple, par exemple, il n'est pas rare de voir apparaître les luttes de pouvoir à mesure que s'éteint l'amour romantique
Cette terrible loi semble jouer tant chez les petits dictateurs domestiques que chez ceux qui tyrannisent leur pays. 
Tous et toutes portent une grande blessure d'amour.
Le psychanalyste Alfred Adler a d'ailleurs fondé toute sa théorie sociale de l'instinct de pouvoir des individus sur ce qu'il a appelé une infériorité d'organe. 
Que cette infériorité d'organe soit réelle ou imaginaire, elle stimule souvent un besoin de s'affirmer qui connaît peu de limites.

 Par exemple, Napoléon a réagi à sa petite taille par une ambition dévorante. Il voulait conquérir le monde entier. Chaque fois, la toute-puissance blessée parle à travers les gestes et tente de prendre sa revanche. Pensons à un homme convaincu que son pénis est trop petit et qui compense en s'achetant des bolides puissants. Il veut faire éclater sa puissance frustrée au grand jour.

On peut aussi s'effondrer au lieu de se pavaner en réaction aux traumatismes de l'enfance. 
Lorsque notre milieu n'a pas su apprécier ou accepter une partie de notre personne, lorsque des taquineries humiliantes ont souligné nos tares apparentes, une malformation physique ou une insuffisance intellectuelle, il est souvent difficile d'aimer ces parties. Nous continuons à les déprécier par nous-mêmes et nous craignons sans cesse d'être rejetés en raison de ces handicaps réels ou imaginaires. Se forme alors un complexe d'infériorité, le signe par excellence du manque d'estime de soi.

En effet, on ne compense pas toujours une infériorité ressentie en s'affirmant outre mesure. 
On peut très bien crouler sous le poids de la honte. On se replie alors sur soi-même, jugeant qu'on ne mérite pas plus que le triste sort qui nous est dévolu, affirmant que de toute façon la vie est souffrance et que c'est tout ce qu'il y a à espérer ici-bas.
 Une telle résignation conduit à une vie morne qui va parfois jusqu'à l'autodestruction par haine de soi.

Cela se produit fréquemment lorsque les parents demeurent autoritaires et affirment par leurs gestes et leurs comportements qu'ils ont toujours raison.
 Leurs enfants seront convaincus d'être sans valeur, ils tenteront de prouver à tout le monde qu'ils valent quelque chose par des comportements excessifs ou, au contraire, ils se réfugieront dans la médiocrité et le défaitisme. Ils demeurent ainsi en position d'enfants perpétuels qui cherchent des modèles de perfection et s'accrochent aux personnes qui leur semblent puissantes. Ils nient leur pouvoir personnel et l'abandonnent à qui aura la sagacité de l'utiliser.

Cela engendre ce qu'il est convenu d'appeler de la dépendance. Ces gens peuvent dépendre tout autant de leurs partenaires amoureux, de leur environnement familial que de la dernière mode affichée par une vedette de médias. C'est ainsi qu'ils tentent de réparer la blessure du passé et font échec au rejet. 

A ce petit jeu on devient rapidement conformiste en n'affichant aucune opinion qui pourrait déplaire à la majorité du groupe auquel on appartient. L'appartenance à une secte, à une bande de rue ou à un club social peut ainsi servir à nous donner une identité sur mesure lorsque nous n'osons pas assumer notre pouvoir individuel. 
Notre identité est alors prise en charge par une collectivité qui s'affirme à notre place.

Si, au contraire, les parents n'osent pas assumer leur autorité et imposer des limites, l'enfant risque de devenir tyrannique envers eux et mal adapté à la vie. 
Sans le savoir, ils livrent leur rejeton à la merci d'évènements catastrophiques qui ne manqueront pas de venir lui prouver qu'il n'est pas omnipotent. Il risque fort de s'effondrer devant les premiers échecs et de se résigner parce qu'il n'a jamais appris à résister aux épreuves. Il pourra tenter de trouver refuge dans des rêveries illusoires sur son avenir et sa puissance, ou sombrer dans l'alcoolisme ou la drogue afin de rétablir pour un temps sa toute-puissance menacée. 
De tout temps, certaines substances ont été consommées pour rétablir ce sentiment vacillant de bien-être intérieur que la vie vient frustrer sans arrêt.

Comme on le constate, le passage de la toute-puissance fantasmée à une estime de soi équilibrée est délicat. 
Nombre d'évènements peuvent s'interposer et faire qu'un être se réfugie dans un sentiment illusoire de supériorité ou dans la honte. 

En réalité, entre toute-puissance et dépression, la ligne est souvent mince. Mais à mesure qu'un être exerce ses talents et ose être lui-même, qu'il reçoit approbation et amour, un équilibre et une sécurité s'installent. 

L'important est d'établir une connexion avec les sources mêmes de la vie qui sont amour et qui n'ont pas le regard vengeur de la belle-mère de Blanche-Neige. Il s'agit de faire que la fleur que chacun porte en soi puisse s'épanouir.


extrait du livre de Guy Corneau: " N-y-a-t-il pas d'amour heureux ? "

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